Un enfant prend le train pour la première fois, direction Madrid, avec son grand-père. C’est un train comme ils étaient autrefois, avec des compartiments. Il y a là un autre homme, ils parlent de la gare pendant la guerre. Le grand-père se souvient d’avoir été enfermé avec son bataillon dans un train qui devait partir pour le front de l’Ebre, finalement on les a fait descendre, d’autres soldats sont partis pour ne jamais revenir, sinon il ne serait pas là pour le raconter, et l’enfant se dit qu’alors lui-même ne serait pas né, comment mieux dire que les voyages convoquent ensemble les pensées de vie, de mort, et les aventures ?
Les voyageurs se racontent des histoires de voyage, dit Antonio Muñoz Molina, ou ils en lisent, il a lu Chatwin à Buenos Aires dans le moment où Chatwin mourait à Londres. Mais lire, c'est déjà voyager, les livres nous transportent, ainsi Séfarade, écrit selon le rythme propre à l'auteur, par associations d'idées, circulaire, envoûtant, mais livre plus ambitieux encore que les précédents, car il ne s'agit pas d'un seul roman, il s'agit d'orchestrer le plus possible de romans réels et fictifs, avec des trajectoires qui se répondent, se croisent, reviennent, et disparaissent sur un point d'orgue.
Les trains qui sillonnent Séfarade provoquent des coups de foudre. Monsieur Isaac Salama, directeur d'une salle de spectacle et d'un grand magasin démodé à Tanger, qui dut à un passeport espagnol de pouvoir fuir la Hongrie antisémite qui avait envoyé sa mère et s