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Critique

Qui a peur de Walter Sickert?

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Selon Patricia Cornwell, Virginia Woolf aurait connu Jack l'Eventreur.
publié le 6 mars 2003 à 21h50

A l'automne 1933, Virginia Woolf concentre toute son énergie sur l'écriture des Pargiters, le roman qui deviendra Années. Il s'agit d'une histoire qui plonge ses racines dans le siècle passé, et l'écrivain se repaît de la lecture de Tourgueniev. Lui vient alors l'idée de renouer avec le peintre Walter Sickert, un ami de la famille. Opportunément, elle se rend à une rétrospective de l'artiste, puis, rentrée chez elle, lui écrit afin de renouveler l'admiration qu'elle porte à ses toiles d'un impressionnisme social particulièrement lugubre. Sickert lui répond aussitôt, visiblement enchanté : «Pourquoi ne me rendriez-vous pas un éminent service ? Ecrivez sur cette exposition ! Sautez par-dessus la technique qui ennuie tout le monde et dites ce que vous pensez de mes Humeurs et de mes Drames. Vous serez la première à le faire : j'ai toujours été un peintre littéraire.» Clive Bell, le mari de Vanessa, la soeur de Woolf, les convie tous deux à dîner, et de cette soirée naîtra un petit livre de Virginia intitulé Walter Sickert : A Conversation. Les toiles du maître y sont envisagées comme des romans ou des biographies, Virginia notant l'éloquence avec laquelle les existences des modèles sont resituées dans leur élément «sordide» ou «désolé». Elle avoue aussi qu'elle se sent incapable de pénétrer jusqu'à «la zone de silence» qui se tient au coeur de ces oeuvres étranges. «Walter Sickert, conclut-elle, est un hybride.»

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