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Critique

Linceul au monde

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Avec «le Drap», Yves Ravey atteint l'épure qu'il cherchait depuis toujours: dire la mort de son père. Rencontre avec un romancier qui dessine avant d'écrire.
publié le 13 mars 2003 à 22h02

Besançon envoyé spécial

Yves Ravey ne fait pas de brouillons. Il dessine, il découpe, il colle, il détoure, il entoure, il colorie. Il dessine surtout, à l'encre, n'invente rien, des photos recopiées à main levée, des croquis relevés de catalogues de chaussures (la collection Santoni, en particulier le modèle Cap toe Oxford, qui deviendra la chaussure du père) ou de voitures, des accidents, des incendies, la guerre, l'holocauste. Il collecte des tickets de pressing, de bus, de cinéma, de musées, des publicités, des programmes qu'il fixe sur des pages blanches bientôt compliquées de flèches, de labyrinthes, d'annotations en diagonales, de mots sans lien entre eux, de phrases dont les mots sont remplacés par des vignettes ébarbées au ciseau. Il compile des génériques de films pour y puiser les noms de ses personnages. Ensuite seulement, il écrit avec l'oeil, en organisant tout cela, en feuilletant les grands cahiers bouffis de tant de collages, aux onglets de couleurs qui ouvrent autant de portes que de chapitres, ou bien en faisant tourner sur leur spirale noire les carnets de croquis «C à grain» de chez Canson (30 feuilles de 13,5 X 21 cm, 125 grammes au mètre carré). Yves Ravey est professeur de dessin et de français dans un collège de Besançon. Cette fois, pour un petit livre de 80 pages, 70 de texte aéré, il en aura rempli deux, où les portraits de Robert Musil sont les plus nombreux. Musil qui n'a rien à voir avec le livre et qui d'ailleurs n'y figure pas. Voire.

Yves Rave