Comment parle un sourd-muet dans un roman ? Kader Abdolah ne décrit jamais les gestes par lesquels s'exprime Aga Akbar. L'écrivain, né en Iran en 1954 et accepté comme réfugié politique par les Pays-Bas en 1988, écrit en néerlandais, mais ses héros viennent de son pays natal. Son personnage principal ne parle jamais et se fait cependant comprendre. Parfois, il y a des fous rires, parce que ses interlocuteurs ne parviennent pas à lui dire vraiment ce qu'ils veulent, font les mauvais gestes. Mais l'incompréhension n'est jamais présentée comme son fait à lui, ce sont les autres, ceux qui parlent et qui entendent, qui n'y arrivent pas. Cunéiforme est prétendument écrit par un «narrateur omniscient» et par Ismaël, le fils d'Aga Akbar, durant son exil aux Pays-Bas. Un oncle d'Ismaël a montré au sourd-muet de naissance une inscription cunéiforme mythique, indéchiffrable, datant du premier roi de Perse. Aga Akbar ne s'est pas contenté de la recopier, il en a à son tour fait son langage et ce sont ces cahiers qu'Ismaël essaie de «traduire dans un langage lisible», c'est-à-dire pas vraiment de traduire mais juste de rendre lisible. «Comment puis-je faire parler ce cahier ?» C'est une tâche délicate sur laquelle même le narrateur risque de se casser les dents. «Bien que je sois omniscient, je ne peux malheureusement pas lire les notes d'Aga Akbar.»
Le roman raconte à sa manière l'histoire iranienne des dernières décennies, comment s'y prendre pour construire une voie de chemin de fer da