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Critique

Mulisch, la solution filiale

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De mère juive et de père collaborateur des nazis, Harry Mulisch a couvert le procès Eichmann à Jérusalem en 1961. 40 ans plus tard, il imagine Hitler papa.
publié le 20 mars 2003 à 22h14

Amsterdam envoyée spéciale

En 1961, Harry Mulisch, jeune écrivain de 34 ans, est envoyé par l'hebdomadaire Elseviers Weekblad à Jérusalem pour suivre le procès Eichmann. L'ensemble de ses chroniques, rédigées entre le 26 mars et le 30 septembre 1961, est aussitôt publié aux Pays-Bas sous le titre l'Affaire 40/61. En 2001, quelque 80 livres derrière lui, Harry Mulisch, considéré comme un des deux ou trois plus grands écrivains néerlandais, écrit Siegfried, une idylle noire, un roman où il imagine la courte vie d'un fils juif de Hitler. Les deux livres, distants de 40 ans, paraissent aujourd'hui en France. Ils semblent avoir été conçus dans le même mouvement.

Au début de l'Affaire 40/61, Mulisch écrit : «Ce qui est relaté ici (...) est le compte rendu d'une expérience. Une expérience diffère d'une réflexion en ceci qu'elle vous transforme. Celui qui l'a vécue n'est plus le même.» L'Affaire 40/61 est un texte qui nous affecte par la force avec laquelle il montre l'effet des paroles et de la présence même d'Eichmann sur les différents acteurs du procès, sur ses spectateurs, et surtout sur Harry Mulisch, écrivain hollandais, né d'une mère juive et d'un père collaborateur des nazis. Face à un procureur qui compare Eichmann à Néron, Attila et Gengis Khan, Mulisch insiste, page après page, pour nous dire à quel point cet homme, maintenant enfermé dans son «terrarium» de verre à l'épreuve des balles et exposé au monde entier comme symbole du mal absolu, est justement ordinaire, humain,