«Je me souviens de ma mère uniquement en termes vestimentaires, odoratifs et remontran- ciers. Les deux premières catégories sont liées de trop près à mon coeur pour que je les expose en public la première ne m'engage en revanche à rien.» Dans les nouvelles du recueil intitulé les Pieds d'Abdullah, les mères sont imposantes, surchauffées, incrustées dans leurs cuisines et entourées d'une nuée de filles qui s'appellent toutes Fatima. Quand Hafid Bouazza parle de sa mère, mariée à 15 ans, sept enfants, il dit qu'elle a «beaucoup d'humour, elle est très large d'esprit, et analphabète». Il dit aussi que c'est une honte que ni lui ni aucun de ses frères et soeurs n'aient pensé à lui apprendre à lire, et que d'ailleurs, il «n'aime pas cette culture qui considère qu'il est normal que les femmes n'aillent pas à l'école». Les autres personnages évoluent entre une Amsterdam mythique et un village marocain imaginaire où la sensualité, le jeu et la provocation sont d'autant plus obsédants que tout ou presque est interdit.
A sept ans, le petit Hafid arrivait de Bertollo, un bled du côté d'Oujda au Maroc. Il s'est installé avec son père, sa mère et ses six frères et soeurs dans un autre bled, Arkel, 2 000 habitants, au sud d'Amsterdam. «Le téléphone, la télé couleur, les BD, c'était wonderland.» Les Bouazza étaient les seuls immigrés, il y a bien eu une famille de Turcs, mais elle n'est pas restée. Aujourd'hui, Hafid a 32 ans et un enfant. Il a écrit un recueil de nouvelles, trois romans