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Libération
Critique

Ceci est une pipe

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Le temps d'une fellation, les monologues intérieurs d'une femme et d'un homme: «Extase», de Susan Minot.
publié le 27 mars 2003 à 22h23

Un homme et une femme, sur un lit, à New York, après le déjeuner. Ils monologuent intérieurement, en alternance, et ne se parlent pas. La femme a la bouche pleine. Susan Minot, après la Vie secrète de Lilian Eliot et Crépuscule écrit encore une fois une histoire d'amour, et encore une fois, elle invente une nouvelle manière de raconter. Extase dure le temps d'une fellation, la tension dramatique se confond avec la montée du plaisir : orgasme et dénouement. L'auteur joue avec l'attente. Entre Kay et Benjamin, y a-t-il un quelconque espoir que ça marche ?

Benjamin a une idée précise de la compagne idéale : «Comme elle serait intelligente, elle accepterait les hommes tels qu'ils sont, ne ferait pas toute une histoire de ses infidélités, ne les prendrait pas comme un affront personnel. Mais d'abord et avant tout, elle l'aimerait.» Kay, mystique, «a comme une révélation. Dans cet état de réceptivité fébrile qui est le sien, elle voit clair : toutes ces frustrations, tous ces sanglots, ce sentiment d'inutilité, il a fallu qu'ils les vivent pour se retrouver là où ils sont en ce moment.» Kay et Benjamin ne sont pas sur la même longueur d'ondes.

Elle pense à ces défenses qu'elle a mises en place, cette armée de réserve mobilisée pour ne pas être amoureuse. Elle pense qu'elle était résolue à ne plus le revoir, à ne plus le laisser la toucher, tous ces efforts de désintoxication pour en arriver là, dans sa chambre. Elle se rappelle toutes les fois où elle lui a dit de la laisser tranqui