Vingt et un ans après sa mort, Aragon a rarement bonne réputation : trop littéraire, trop affecté, trop stalinien, trop lâche ; et, dans son oeuvre, les Communistes est le mouton noir : ce roman «à l'eau de rouge», selon Antoine Blondin, serait illisible. Sa réputation est d'autant plus mauvaise qu'Aragon n'a jamais achevé le projet initial, assez monstrueux ; qu'il a révisé les Communistes quinze ans après la première publication en fascicules, comme on nettoie une plaie durablement infectée ; et qu'il n'a cessé d'en préciser le sens, comme si ce monstre narratif, infirme et inachevé, exigeait de perpétuelles béquilles et la perfusion explicative de l'écrivain.
Le troisième tome en Pléiade de ses oeuvres romanesques complètes permet de nuancer ce jugement : les Communistes ont des plages d'ennui, mais aussi de réelles beautés. Les romans d'Aragon sont édités par Daniel Bougnoux dans l'ordre chronologique. Les précédents recueillaient, entre autres, les trois premiers romans du cycle dits du «monde réel» : les Cloches de Bâles (1934), les Beaux Quartiers (1936), les Voyageurs de l'impériale (1941 et 1947). Le nouveau tome comprend la suite de ce cycle : Aurélien, écrit pendant la Seconde Guerre mondiale, publié en 1944, et les trois premières parties des Communistes, écrit entre 1948 et 1951, révisé en 1966. Les quatrième et cinquième parties et la grande explication a posteriori d'Aragon, «La fin du monde réel», seront publiés dans le tome suivant. Le parti pris rigoureuseme