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Libération
Critique

Sauve qui peut (la nuit)

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Agencé en séquences brèves, de ville en ville et de femme en femme, un récit à la première personne au fil inconstant des jours .
publié le 27 mars 2003 à 22h23

Un homme en pyjama marche dans la rue, il rencontre des lions en chemin. Les croise à nouveau. Il n'a pas déliré. Il se demande s'il pourra s'en faire des amis. Le même homme ­ on imagine, puisqu'il s'agit du narrateur ­ prend un TGV de nuit. Dans le wagon, un autre passager. La destination est inconnue. «Mais le but d'un tel voyage nous intéresse peu. Son objet à lui le gros homme noir comme à moi : dormir, dormir confortablement affalés dans cette voiture vide, ses sièges gris, le sifflement le roulement sourd, velouté de ses vitres épaisses ­ et voir, vivre cette nuit ultime, de totale et continue vitesse, qui nous emportera loin, si loin dans l'oubli de toute peine.» Il y aura ensuite un dîner de famille ; à la table une jeune cousine désirable et intouchable ­ un supplice. Ou encore une balade sous la pluie, avec sa fille, Alice, «mon fardeau léger, bien tiède contre moi.» Des rencontres avec des femmes, beaucoup de femmes, des maîtresses, anciennes, à venir, désirs furtifs, fantasmes violents... Le pavé de Paris, l'Angleterre, Bombay, une mer de glace, la gare d'Orléans, lieux réels ou imaginaires, le narrateur se laisse porter par ses pas. Inutile de résumer. Il n'y a rien à raconter, ou il faudrait tout raconter. Pas une histoire, mais des «récits», tel est le sous-titre.

Il y a chez Bruno Krebs quelque chose de cinématographique. Ces textes courts, concis comme les «récits de la paume de la main» de Kawabata, ont des allures de séquences tournées en super-8, avec arr