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Libération
Critique

Le manège désenchanté

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La vie mouvementée d'une écuyère de Saumur, personnage balzacien à qui les hommes n'ont jamais pardonné d'être meilleure qu'eux.
publié le 3 avril 2003 à 22h34

Nom : Isabelle; prénom : Marie; signes particuliers : inventrice en 1854 d'une méthode de dressage de chevaux, le «surfaix-cavalier», dresseuse à la prestigieuse école de Saumur. Une telle singularité a retenu l'attention de Gabrielle Houbre, dont les précédents travaux sur le XIXe siècle s'attachaient à la construction de la différence des sexes. Or, la caractéristique de Marie Isabelle est de brouiller les cartes distribuées par la naissance biologique et sociale. La voilà de ce fait regardée par l'auteure comme un pendant féminin de César Birotteau. Roturière de moyenne extraction, elle passe du monde du théâtre à celui des modistes en boutique, emploi féminin que dans une saisissante inversion des rôles occupera son mari qui lui a apporté la respectabilité. Elle devient dresseuse de chevaux, puis entrepreneuse de haras ! Les mêmes traits de caractère servent l'«ivresse narcissique de la réussite» du héros balzacien et de cette femme bien réelle ; les mêmes ressorts dramatiques scandent leur ascension, leur réussite et leur chute : en 1875, Marie Isabelle meurt à l'hôpital des pauvres, comme ses parents.

Mais l'analogie s'arrête là, aux «illusions perdues», car Marie Isabelle est sans cesse rattrapée par son sexe, plus encore que par sa classe. Les deux se lient pour rendre sa présence à Saumur insupportable aux militaires : l'armée est un pré carré masculin ; la cavalerie, de surcroît, est indissociable de la «fonction emblématique [du cheval] portée par la triade virilit