C'est à Paris, la nuit du 30 octobre 1918, un mercredi, que débute pour nous la découverte du journal de Mireille Havet. Douze jours avant la fin officielle des hostilités. «L'avant-guerre tombe en poudre», note-t-elle. Née à Médan, en région parisienne, le 4 octobre 1898, Mireille Havet est âgée de 20 ans et elle n'a plus qu'à peine quatorze ans à vivre, sourdement délitée par les mélanges de stupéfiants et le manque. En 1918, elle a déjà vécu une bonne part de sa carrière d'enfant prodige de la littérature, «petite poyétesse» couvée par Guillaume Apollinaire. Celui-ci a publié en 1913 et 1914, dans sa revue Les Soirées de Paris, des poèmes et un conte, La Maison dans l'OEil du Chat, édité en 1917, avec une préface de Colette.
Amie de Cocteau et de Copeau, lectrice avide Gide, Colette, Maeterlinck, Claudel, Walt Whitman... la jeune Mireille Havet est donc pleinement consciente que le monde d'avant est «décoloré», fini, plombé. Comme Apollinaire, mort deux jours après l'armistice et qu'elle enterre. Ce Paris insomniaque qui l'appelle lui procure un mélange nerveux d'ennui et d'exaltation, «quelque chose que j'ignore mais qui doit m'appeler, me désirer quelque part, et je n'éprouve pas de calme à rester chez moi. Il faut que je sorte, que j'achète, que je parle...» . La dérive moderne s'effectue en automobile ; ainsi décrit-elle l'équipée d'une première sortie en voiture. «Nous étions là cinq fous de 18 à 22 ans, cinq fous échappés plus ou moins entiers à la guerre afin de