«Un jeune bellâtre tout luisant fait des redressements sur son appareil d'exercice, s'éviscère avec un couteau de cuisine incroyablement affûté, balance ses intestins pendouillants par-dessus son épaule comme un travesti désinvolte vêtu d'une étole en vison et pénètre dans une classe pleine d'enfants nus et recouverts de merde qui le dévorent dans une tornade sanglante de dents aiguisées.» Voici cinquante cauchemars, avec des obsessions, récurrentes comme des gouttes d'eau, un supplice au goutte à goutte. Un supplice à rebours, puisque les premiers textes sont les plus récents. Plus on s'avance dans les cauchemars, plus on revient en arrière chronologiquement, et plus les récits se font bruts, vidés, on se rapproche de l'essentiel, de l'origine anéantie, du foetus maladif de toutes ces angoisses. «Ma haine et mon désir ont toujours été inséparables.»
Le désir minable, le désir d'être minable, d'être mis minable. Disparaître, être consommé, dans un rot de haine générale. «J'ai envie de me manger, de disparaître.» Auto-haine avant tout. Haine de soi, prolongement ou source de toute haine. Mort, viol, humiliation, charnier existentiel. La violence des récits de Michael Gira a la faculté hybride d'être tout ensemble dévastatrice et languide. Sadomasochisme évident. Le sens exact de la violence humaine, insensée, est mis au jour. L'écriture, brillante, fait passer la pilule, la rend supportable. Il paraît bientôt nécessaire de lire, consommer chaque mot, pour saisir enfin les bas-