Quatre cents seniors prennent place dans le TGV numéro 104. Terminus : Clifford Estates, en Chine, où les attend un mouroir de rêve, golf dernier cri, terrain de polo, cours de tennis, jardins babyloniens. Jonathan est de ceux-là. Il est le fil noir d'Eternity Express, un héros de la race des mercenaires. Dans son compartiment, un couple autrefois richissime laminé par le «mardi noir», deux antiquaires du Marais, un ancien ingénieur, un échantillon de l'humanité vieillissante, parti pour un voyage sans retour aux confins de l'Asie. «Sur le quai, par portables interposés, les familles éplorées prodiguèrent aux parents d'ultimes marques d'hypocrisie filiale. Et le train s'ébranla.»
La société de Truong est arrivée en bout de piste. Les baby-boomers sont devenus des papy-boomers. Une masse exponentielle, cent millions de vieillards improductifs, qui ont accru le casse-tête du financement des retraites. Les gouvernants européens ont voté, en 2020, une loi de délocalisation du troisième âge. Pas moins qu'une déportation. «Preuve définitive de la supériorité du développement européen, qui a toujours cherché à concilier dynamisme économique et solidarité sociale, explique un prof embarqué vers le lointain éden. Voyez les Etats-Unis, où les vieux travaillent jusqu'à 70, 80 ans puis crèvent en silence dans les caves...»
Mieux vaut passer ses vieux jours à l'autre bout du monde, semblent se dire les papy-boomers. Ils tuent le temps tant bien que mal à bord de ce Transsibérien d'un autre