Le long de la Ringstrasse, sous les arcades du Prater ou devant le Musikverein, on doit forcément croiser Karl Kraus, Robert Musil ou Arnold Schönberg, apercevoir Freud se promenant avec sa fille Anna. Accompagné de sa femme Regina Altstadt (Gina, comme tout le monde l'appelait), Bruno Bettelheim fréquente les endroits à la mode et les temples de la culture viennoise, va régulièrement au Burgtheater, lit la Neue Freie Presse, ne rate pas une exposition du Kunsthistorischesmuseum, a dans son salon un tableau d'Egon Schiele. Mais il n'est pas reconnu comme faisant partie de l'intelligentsia juive de Vienne, pas plus qu'il n'est un «Kaffeehausliterat», l'un de ces écrivains, musiciens, peintres, philosophes, qui se retrouvent à la terrasse du Herrenhof. L'entreprise de bois de construction qu'il dirige depuis la mort de son père Anton lui assure des revenus conséquents, mais, outre de se savoir laid, il souffre d'avoir dû arrêter les études qui lui auraient apporté un prestige intellectuel, et de n'être qu'un commerçant. Depuis son adolescence, il a des «tendances dépressives», dues à quelques histoires familiales, aux horreurs de la Première Guerre, et, surtout, au traumatisme provoqué par la syphilis qui a emporté son père, dont il pense qu'elle est congénitale ou, comme Freud et Joseph Breuer l'écrivaient dans les Etudes sur l'hystérie, qu'elle est «un facteur pertinent dans l'étiologie des constitutions névropathiques de l'enfant». Il a épousé Gina le 30 mars 1930. Le coupl
Critique
Bettelheim, un conte défait
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par Robert Maggiori
publié le 15 mai 2003 à 23h00
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