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Critique

Tibet or not Tibet

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L'Américain Donald S. Lopez analyse et démonte l'étrange fascination des sociétés occidentales pour le Tibet.
publié le 15 mai 2003 à 23h00

Depuis Tintin au Tibet, l'ouvrage «tibétain» le plus traduit et le plus vendu au monde depuis sa parution en 1960, chacun sait que, comme le Grand Précieux en informe le capitaine Haddock, «au Tibet, beaucoup de choses se passent qui vous paraissent incroyables, à vous Occidentaux». A quoi le capitaine eût pu répondre au vénérable lama qu'en Occident aussi se passent des choses probablement incroyables aux yeux d'un Tibétain. A commencer par la manière dont on y a «inventé» un simulacre du Tibet, et des Tibétains, une utopie tissée de rêves, de mensonges et de malentendus. Le dalaï-lama et les dizaines de milliers de ses fidèles, qui, en 1959, avaient dû fuir l'annexion de leur terre par la Chine pour trouver asile en Inde, puis en Occident, l'ont découvert, non sans un certain choc.

C'est l'histoire de l'étrange fascination qu'a exercé, et que continue d'exercer, le Tibet sur l'Occident que raconte et analyse Donald S. Lopez, professeur d'études tibétaines et bouddhiques à l'université du Michigan. Elle a fait du Tibet, constate-t-il, «une oeuvre d'art modelée à coup d'exagérations et de sélections en un idéal bien peu enraciné dans l'histoire» et dans la réalité de la terre et du peuple tibétains. Cette fascination explique pour une large part l'actuel développement du bouddhisme aux Etats-Unis comme en France. Elle irrigue la vogue persistante des «philosophies», thérapies et bimbeloteries du new-age et de ses gurus.

Pour Segalen déjà, au début du XXe siècle, le Tibet