La Deuxième Guerre mondiale a marqué d'une empreinte indélébile les sociétés européennes. Non tant par les combats, limités dans le temps, qui se déroulèrent à l'Ouest, mais en raison de la terrible Occupation. En se fondant sur l'analyse de trois pays France, Belgique et Pays-Bas et en privilégiant quatre milieux résistants, déportés raciaux, prisonniers de guerre et requis du travail , Pieter Lagrou s'efforce de décrypter les logiques qui, après-guerre, forgèrent la mémoire des années sombres. Les mémoires, plutôt, tant les variétés sociales et nationales l'emportent sur l'homogénéité du souvenir. Certes, les résistants, dans les trois pays furent à l'honneur, les nations vaincues restaurant leur fierté malmenée par la défaite en exaltant l'héroïsme des ci-devant clandestins. La place des juifs, en revanche, fut systématiquement marginale jusqu'en 1965 tout au moins. Prisonniers et requis, enfin, bénéficièrent d'un traitement ambivalent, tantôt assimilés à des collaborateurs aidant le Reich dans son entreprise de guerre totale, tantôt considérés comme les victimes du Moloch nazi.
Mais cette toile de fond commune à nos trois pays ne saurait masquer une stupéfiante diversité. En raison, bien sûr, de réalités sociales différentes : les prisonniers de guerre, numériquement importants en France ils dépassent 1,5 million ne comptaient guère aux Pays-Bas puisque le Reich libéra d'emblée la quasi-totalité des soldats. En raison, surtout, des configurations nationales