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Libération

Touchez pas au grizzli

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Jim Harrison publie ses mémoires, «En marge». Rencontre, entre Paris et la Floride, avec un Américain du Michigan souvent bourru, parfois bourré, grand pêcheur devant l'Eternel, auteur des «Légendes d'automne» et de «Dalva».
publié le 22 mai 2003 à 23h05

Jim Harrison est harassé, harassant aussi, parfois. Il boite, il boit et il aboie. Jim Harrison est harassé parce que ce n'est pas une vie cette existence, faire la promotion d'un livre dans un pays qu'il aime et dont la langue se refuse à lui, Paris-province, quinze journées à ménager son décalage horaire, le dorloter pourtant, ce jet-lag, pour qu'il tienne jusqu'au retour, pour n'avoir pas à en souffrir deux fois, encore qu'il n'en souffre pas, Harrison, qu'il le tienne pour une drogue douce et licite, la justification d'une somnolence indue, voir des libraires, des journalistes par douzaines, faire l'effort de ressembler à ce qu'ils attendent de vous, signer des livres, être bouleversé et fier à chaque fois qu'un jeune couple vous présente une enfant baptisée Dalva, il y a de quoi. Deux semaines en France pour se montrer à la hauteur de l'ogre photogénique et buveur qu'on y invite, truffes et têtes de veau, et du riz commandé en cachette pour colmater tout ça. Harassant aussi, parfois, parce qu'il faut suivre, nous autres journalistes on se relaye, mais faut suivre, de côte-rôtie en côtes-du-Rhone, sans compter qu'on ne se plaint pas d'avoir à lire des livres de 400 pages et des poussières devant un type qui a fait pire : les écrire. Toute personne qui atteindra la page 187 n'aura aucun mérite à le lire jusqu'au bout, elle y lira, à propos du zen dilettante et rougeaud que pratique Harrison : «le chercheur doit mouiller son T-shirt, pas forcément pour trouver les réponses