Malédiction : dire du mal mais aussi mal dire, faire mal dire, faire dire du mal. De 1943 à 1945, Artaud est interné à Rodez chez les Drs Ferdière et Latrémolière qui lui administrent des électrochocs. Rentré à Paris, il les accuse de l'avoir torturé et, par conséquent, d'avoir touché à l'oeuvre en mettant les mains dans l'âme. Avant de mourir en 1948, Artaud confie à son amie Paule Thévenin le soin d'éditer ses cahiers. Jusqu'à la mort de celle-ci (1994), la famille d'Artaud lui reprochera d'avoir falsifié, voire inventé, les textes du poète. Autour de ces controverses, trois essais questionnent précisément l'illusion de la vérité, qu'elle s'applique à la lecture des textes, à leur édition ou même à la personnalité de celui qui écrit.
Sylvère Lotringer, professeur à Columbia University, veut faire entendre, à travers trois entretiens avec Latrémolière, Ferdière et Thévenin, que le délire d'Artaud est contagieux, simplement parce que la folie «travaille» notre société. De fait, il n'oublie pas de s'inclure dans ces «fous d'Artaud» et de se ridiculiser à l'occasion dans un dispositif adroitement pervers. La conclusion de son «introfiction» aux accents céliniens est fracassante : «Artaud n'était pas fou, il était juif. Comme Jésus-Christ.» Comme Simone Weil (et Jésus-Christ), Artaud aurait craqué à la jointure de son «antisémitisme» de bonne famille et de sa judéité réelle : «Poussant le refoulement ambiant jusqu'à ses ultimes conclusions, Simone Weil deviendra sinon antisémi