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Libération
Critique

Couto dans la plaie

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Mozambicain d'origine portugaise, Mia Couto plonge au coeur du désastre colonial. Rencontre.
publié le 29 mai 2003 à 23h11

Maputo envoyé spécial

Ecrire, ce peut-être ça : faire parler les morts. Mais les morts sont susceptibles. Pour qu'ils viennent sur la page, mieux vaut trouver la forme du récit et des phrases qui les apprivoise : creuser leur espace-temps en faisant vivre, dans le récit, le nerf métaphorique et onirique de la langue. Au Mozambique, Mia Couto, 47 ans, y est parvenu en quatre livres. Il réinvente les colonisateurs portugais, leur domination triste et leur déclin sanglant, puis victimes et bourreaux de la longue guerre civile qui suivit l'indépendance. «La guerre est un serpent qui utilise nos propres dents pour nous mordre», dit l'un de ses personnages. Mia Couto sème ces dents en terre comme un vieux Grec, et les héros, des gens du peuple, repoussent dans ses livres. Dans Terre somnambule (1), son premier roman, le même personnage ajoute : «La raison de ce monde résidait dans un autre monde inexplicable. Les plus âgés faisaient le pont entre les deux.» Les plus âgés, ou les écrivains. C'est ainsi que Mia Couto, Mozambicain d'origine portugaise, est devenu l'un des grands auteurs africains : dans une langue venue d'Europe qu'il a comme repiquée, et comme métissée, dans ce pays magnifique et lointain.

Ses mots semblent nés, et parfois créés, par un vieux sorcier voué aux contes, mais lui ressemble à Chuck Norris : cheveux mi-longs, barbe claire, chemise prise dans le jeans, allure de baba rangé des aventures. Sans l'aspect un brin porcin du sous-karatéka américain de série C, mai