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Libération

Murakami, franc maso

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publié le 29 mai 2003 à 23h11

Est-ce par un acte de sadomasochisme que Vincent Van Gogh s'est coupé l'oreille ? Méritait-il pour ça un pire discrédit que celui que lui valait de peindre des toiles ignobles ? Ce n'est pas la principale question d'Ecstasy, le dernier roman traduit du Japonais Murakami Ryû né en 1952 (le texte original date de 1993), mais pas loin. La première phrase du livre, et elle reviendra perturber le narrateur tout au long d'Ecstasy, est : «­ Et toi, tu sais pourquoi Van Gogh s'est taillé une oreille ? demanda le SDF en s'adressant à moi en japonais.» Cela crée immédiatement une impression étrange, d'autant que la scène se passe dans le Bowery, quartier de New York où on n'est pas réputé parler japonais. Le narrateur va d'autant plus être fasciné par cette phrase, celui qui la prononce puis ses amies, qu'il imaginait d'abord que le SDF était portoricain. Non, lui aussi est japonais. «Comment était-il possible qu'un Japonais soit SDF ? Pourquoi ce type n'avait-il pas parlé japonais jusqu'à présent ?» Est-ce parce qu'il était drogué ­ drogué à la peinture ­ que Van Gogh s'est mutilé ? Toujours est-il que le narrateur, sur cet élan initial, va découvrir cocaïne et ecstasy, une toute nouvelle sexualité, et en arriver contre lui-même à des actes à côté desquelles se couper l'oreille semblera une distraction de puceau.

Ce Murakami (à ne pas confondre avec Murakami Haruki) s'est toujours choisi comme sujet la violence du Japon moderne tout en voulant faire oeuvre littéraire plus que sociolog