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Libération
Critique

Quand le verbe se fait chaire

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Les paroles s'envolent, les écrits restent. Pas sûr. Un essai surprenant de Françoise Waquet sur l'oralité savante montre le contraire. Et André Mandouze, porte-voix de saint Augustin, professeur et chrétien rebelle, publie le deuxième tome de ses mémoires.
publié le 29 mai 2003 à 23h12

Le livre est tellement sacralisé qu'on oublie que les auteurs parlent aussi, et souvent plus, que ceux qui n'en publient pas. Mais, pour paraître universel, le prestige de la chose écrite, avec le relatif discrédit de la parole, ne s'est vraiment affirmé qu'avec l'invention de l'imprimerie, comme le montre Françoise Waquet dans Parler comme un livre. L'oralité et le savoir (XVIe-XXe siècle). On a affaire à un ouvrage proprement surprenant. D'abord, parce qu'il est le premier livre dont l'objet est la pratique de la parole savante, et qu'il n'entre donc pas dans la liste des incalculables écrits consacrés à la culture orale. Sa conclusion est aussi inattendue : les savants, bien qu'ils aient mille raisons d'écrire des livres et de lire ceux des autres, n'y trouveraient pas l'élan vital de leurs idées, ni le moyen de les faire avancer : cette fonction créatrice revenant plutôt aux usages variés de l'échange verbal, qu'étrangement l'écrit occulte. Enfin, troisième étonnement, à l'origine de cet essai, celui de l'historienne elle-même face au manque d'études historiques sur le sujet, dû, dit-on, à l'absence de sources antérieures aux techniques modernes d'enregistrement. Directrice de recherche au CNRS, spécialiste d'histoire intellectuelle (1), Françoise Waquet balaie cette objection paresseuse, car les écrits ne manquent certes pas : «Ecrire une histoire de l'oralité savante, ce n'est point faire entendre des mots dont on certifierait l'authenticité, mais retracer la place que