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Libération
Critique

L'avant Veil

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Une synthèse des recherches sur deux cents ans d'avortement en France.
publié le 5 juin 2003 à 23h16

D'abord abordée dans des travaux sur la criminalité et sa répression, puis dans le cadre de la démographie historique, l'étude de l'avortement s'est depuis trente ans enrichie des approches croisées de l'histoire des femmes, de celle du corps et de la sexualité. L'historicité de cet objet n'est donc en rien une nouveauté, comme les deux auteurs le suggèrent néanmoins, prétextant, en une curieuse remarque, que bon nombre d'études ont été menées par des philosophes, des sociologues et des politologues. La nouveauté et la qualité essentielle de ce livre sont plutôt d'offrir une synthèse de ces diverses recherches, de montrer en une lecture simple, claire et précise, l'évolution majeure que connaît en deux cents ans l'avortement en France.

Condamné depuis l'avènement du christianisme comme atteinte à la vie qui n'appartient qu'à Dieu, quand le droit romain n'y voyait qu'une entorse au pouvoir du pater familias, l'avortement relève, à partir du XVIe siècle, de la justice royale. La tolérance dont la Révolution française fait montre à l'égard des avortées est balayée par la rigueur napoléonienne : désormais l'avortement devient «un acte contraire aux intérêts de la société et de l'Etat» et relève des assisses, ce jusqu'en 1923. A cette date, il est correctionnaliséÊmais, précisent les auteurs, cette mesure, aux allures d'assouplissement, est dans la lignée de la loi de 1920 qui interdisait toute forme de propagande anticonceptionnelle ; elle veut freiner les avortements en condamna