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Libération
Interview

Enki Bilal «L'odeur du papier»

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Enki Bilal, invité de «Libération», pourquoi, comment.
publié le 10 juin 2003 à 23h20

Enki Bilal est né il y a 51 ans à Belgrade, d'un père yougoslave et d'une mère tchèque. Il arrive à Paris à 10 ans, commence à dessiner dans Pilote à 20 ans, et publie ses albums à partir de 1975, la Croisière des oubliés, le Vaisseau de Pierre, la Ville qui n'existait pas, la trilogie Nikopol... Son dernier album, 32 Décembre, vient de paraître. Ressemblant de plus en plus à l'un de ses personnages, inquiet, à vif, aux aguets, à l'instinct, Enki Bilal s'explique sur son intervention dans Libération.

Quel est votre rapport à l'information ?

Cela remonte à très longtemps, quand je vivais à Belgrade. J'ai des souvenirs précis de mon rapport au papier journal, à son odeur, qui reviennent de cette enfance belgradoise. Le journal me fascinait, cette présence de la culture écrite dans le Belgrade de l'époque. Les journaux étaient des instruments de manipulation, c'était d'évidence de la propagande titiste, mais on les lisait avec distance, et ils devenaient ainsi familiers, leur typo, leur maquette, leur papier, leurs dessins. J'ai le souvenir de mes premiers émois en ouvrant ces journaux, à la recherche de bandes dessinées, des strips américains. Cette odeur de papier...

Quand je suis arrivé à Paris, à 10 ans, il a fallu apprendre une autre langue : je tombe littéralement amoureux de cette langue, de cette écriture. Cette sensibilisation aux mots détermine un nouveau lien fort au journal. Je suis venu au dessin par la langue, par l'amour de deux langues, ce que je pouvais mettre à l'épreuve tous les jours dans le journal,