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Libération
Critique

Christa Wolf, le corps parabole.

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Journal d'une hospitalisation, descente aux enfers: le nouveau roman de Christa Wolf est une méditation sur l'agonie du régime est-allemand et un adieu aux fantômes.
publié le 19 juin 2003 à 23h26

Le nouveau livre de Christa Wolf, le Corps même, s'est un temps appelé Descente aux enfers, car c'est le sujet. Une femme gît sur un lit d'hôpital. Elle descend dans les entrailles de l'institution où l'attendent le bloc opératoire et le scanner. Elle s'enfonce aussi bien dans le labyrinthe de sa mémoire. Elle frôle la mort, et puis revit. Le récit se passe à la fin des années 80, avant le «tournant» de 1989, et non au seuil de l'été 80, comme l'indique par erreur le résumé au dos du livre. On peut lire le Corps même en toute innocence, apprécier la plongée dans le monde de la douleur sans se soucier du contexte politique et historique. Mais la politique et l'histoire sont bien sûr inscrites dans la trame même.

Christa Wolf est l'une des deux grandes figures de la littérature de l'ex-RDA (l'autre était Heiner Müller). Ce n'est pas parce que le Mur est tombé que son oeuvre a changé. Elle est de ces artistes que l'époque a conduits à se vivre définitivement comme des «êtres politiques», ainsi qu'elle le décrit dans les essais d'Ici même, autre part, et Adieu aux fantômes (Fayard). Ceux de sa génération ont voulu «préparer le terrain pour un monde amical» (Brecht cité par Wolf) et se sont trompés. Ils ont vu s'écrouler la société en laquelle ils avaient cessé de croire, et ils ont dû trouver un biais pour faire passer leur message sans perdre leur intégrité. Le matériau qu'ils ont utilisé n'est donc pas tout à fait le même que pour leurs homologues de l'Ouest. Il est toujours mé