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Critique

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Les stupres d'une Havane de rêve et de cauchemar. Première traduction de la Cubaine Ena Lucia Portela.
publié le 19 juin 2003 à 23h27

Ena Lucia Portela vit depuis sa naissance, il y a trente ans, dans une belle maison détruite et fantasque du quartier du Vedado, à La Havane. On retrouve cette maison, ou plutôt la fantasmagorie de cette maison, dans son dernier roman, le premier traduit en français. C'est une demeure folle des années vingt, un mille-feuilles crémeux de styles, de matériaux, de ruines restylisées par les bricolages successifs. Y habite une grosse jeune femme enceinte et un peu folle, Zeta, qui conte son enfance et sa jeunesse en un flot verbal d'une grande espièglerie métaphorique et d'une délicatesse dans les glissements de ton que, malheureusement, la traduction ne rend pas. Autour d'elle, un carnaval de personnages extravertis et extravagants comme on en croise à La Havane ou Miami, extravagants par la façon dont le destin les a tordus pour en faire de véritables petites épopées portatives. Un aïeul espagnol de Zeta était de la famille du Cid. Sa mère est morte en accouchant d'elle. Son père, un artiste homosexuel , prétend avoir été violé par sa mère. Il a fui à Miami d'où il envoie des dollars et pratique le body-art. L'amie intime de Zeta est une lesbienne, l'écrivain juif cubain (et imaginaire) Linda Roth. Elle écrit des polars fameux, qui mettent en scène un flic juif cubain déprimé échouant dans toutes ses enquêtes. Le lieutenant Levi finit chaque aventure sur sa terrasse en soupirant : «L'année prochaine à Jérusalem...» L'amour de Zeta, Moises, est un ancien juriste devenu fou et c