Emmanuel Lévinas l'affirme sans ambages : «créé comme dans une extase fiévreuse du génie», le livre de Franz Rosenzweig est «extraordinaire». Que l'on considère sa rédaction, son style, son contenu, sa «réception», l'Etoile de la Rédemption est en effet, à tous égards, une oeuvre singulière, inclassable et rare. Rosenzweig sert dans une unité antiaérienne du corps expéditionnaire allemand lorsqu'il se met à l'écrire : il la rédige en six mois, dans les tranchées des Balkans, par bribes, sur des cartes postales et des lettres qu'il envoie à sa mère via la poste militaire. L'Etoile paraît en 1921. «Dans une Allemagne ruinée par cinq ans de guerre, écrit Stéphane Mosès, bouleversée de fond en comble par l'écroulement du régime impérial, menacée par l'anarchie et la révolution», l'ouvrage, donnant une «vision synthétique du monde et de l'histoire, qui, tout en se présentant comme universelle, était fondée sur les catégories les plus spécifiques du judaïsme», n'a strictement aucun écho public. Mais il trouve des lecteurs d'exception : notamment à la Freies Jüdisches Lehrhaus, l'Institut supérieur d'études juives que Rosenzweig dirigeait alors à Francfort et où enseignaient, aux côtés d'Erich Fromm, Siegried Kracauer ou Leo Strauss, Martin Buber et Gershom Scholem : c'est à eux, et principalement à Scholem (qui le fait connaître à Walter Benjamin), que le philosophe devra sa «résurrection». Ironie du sort : c'est en 1933 qu'est publiée mais non diffusée la première étude d'ens
Critique
La place de l'Etoile
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par Robert Maggiori
publié le 19 juin 2003 à 23h27
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