Opérations est le journal des années 2001-2002 d'Hubert Lucot. Disons «journal» par défaut, car on pourrait tout aussi bien qualifier ce volume de «fragments» ou plus simplement encore de «textes». En vérité, Lucot n'a jamais rien changé à sa manière d'écrire. S'il a appartenu à la modernité c'est confidentiellement et il ne s'est jamais senti concerné par le slogan qui annonçait la fin des avant-gardes. Il sait que l'horizon d'attente du lecteur s'est déplacé, pourtant, imperturbable, Lucot publie chaque année un objet intempestif difficile à placer sur les tables des libraires : prose ou poésie ? Ses livres s'écrivent à la marge des genres et dans une fidélité à l'idée d'écriture. Stendhal n'est jamais loin de cet «égotiste» et depuis que Lucot a fait valoir ses droits à la retraite, Chateaubriand non plus.
Autobiographie éclatée, dérives urbaines, épiphanies matérielles, considérations métaphysiques, brèves de comptoir, art d'être grand-père à l'âge de l'Internet, Opérations tisse la vie courante au monde comme il va : une maille à l'endroit une maille à l'envers. On y passe d'un épluche-légumes à la géopolitique, d'une visite chez Darty au principe d'incertitude. Lucot traverse l'espace-temps sur la plate-forme d'un autobus parisien ou dans un TGV et on ne sait jamais trop à quel millénaire il va descendre. Il a tour à tour 7, 18 ou 67 ans. Il bricole ses textes, découpe le monde, colle des blocs de mémoire. C'est le livre d'un philosophe sensualiste et d'un flâneur impén