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Critique

Qui t'a fait Maurois?

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Fêté de son vivant, l'auteur des «Silences du colonel Bramble» est au purgatoire. Rééditions et biographie pour réhabiliter un style désuet mais toujours soyeux.
publié le 19 juin 2003 à 23h27

André Maurois, disent ceux qui l'ont connu ou qui assistèrent aux innombrables causeries qu'il donnait sur des sujets aussi variés que la littérature anglaise, la vie de couple ou les bonnes manières, possédait une voix de velours. Son écriture, pour compassée, voire un peu désuète qu'elle paraisse aujourd'hui, recèle aussi le grain doux et soyeux de l'humaniste tranquille qu'il s'efforça toujours d'être. Au point que cette gentillesse un peu mièvre valut à cet écrivain totalement starisé sur la fin de sa carrière, un départ en fanfare vers l'autre monde en 1967, sans oublier la couverture de Paris Match. Puis commença un long purgatoire.

Mais peut-être l'auteur des Silences du colonel Bramble, son premier roman paru en 1918, n'a-t-il fait que payer la dette d'une profusion de livres dissimulant un caractère pugnace et une sensualité très grande sous le masque de l'académicien au regard voilé. Cocteau qui le trouvait patelin et commerçant ­ «Il n'en rate pas une», écrit-il dans son Journal de 1952 en signalant que Maurois donne une conférence au casino municipal de Nice ­ aurait dû se méfier. L'ancien marchand de drap d'Elbeuf entré en littérature à compte d'auteur, ne laissait rien au hasard. Et la rage d'écrire qui l'habitait n'eut jamais rien de calculé. Elle s'imposa en parallèle avec l'amour fou qui surgit un beau jour dans sa vie à Genève. Au point que le rapt auquel dut se soumettre la trop belle et trop jeune Janine Szymkiewicz, fut associé sans heurt, dans l'esprit d