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Critique

69 raisons de danser avec Bolaño.

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En trente folles biographies imaginaires de personnages fascinés par le nazisme en Amérique Latine, le Chilien Roberto Bolaño pousse jusqu'à l'absurde la mécanique des hommes. Rencontre à Barcelone.
publié le 26 juin 2003 à 23h33

Barcelone envoyé spécial

Parlons d'un écrivain qui ne se prend pas au sérieux. Un mince Chilien de 50 ans qui a pas mal bourlingué avant d'atterrir en Catalogne et fait de la littérature avec de la parodie, du pastiche, du détournement, de la farce, qui saigne sa phrase avec la fine pointe d'une mélancolie baroque et macabre. Parlons-en en commençant par le début, qui fut sérieux et qui aurait pu nous priver d'un écrivain.

En novembre 1973, deux mois après le coup d'Etat de Pinochet, des militaires arrêtent sur une route du Sud ce Chilien. Il a 20 ans. Il s'appelle Roberto Bolaño. Il a un léger accent mexicain car depuis cinq ans, il vivait en famille au Mexique. Son père, un ancien champion de boxe amateur, catégorie poids lourds, y monte alors de petites affaires qui périclitent : dans la restauration, le transport de rafraîchissements. Aujourd'hui, le père vit toujours au Mexique, dans un village, marié à une Mexicaine : «C'est un petit arnaqueur d'Indiens», dit son fils devenu écrivain.

Dans Des putains meurtrières, mélange de récits plus ou moins autobiographiques où s'exprime à merveille le mélange de dégoût et de tendresse que lui inspire son continent natal, Bolaño conte une semaine de vacances, seul avec ce père, à Acapulco. Il lit une anthologie de poètes surréalistes et éprouve un malaise de plus en plus grand : le père cherche les boîtes à putes et à jeux où l'entraîner. Ils finissent par atterrir dans un bar sordide. Ils boivent, poussés par les filles. Le père jou