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Libération
Interview

De Proust à Blair

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Où un fils de tailleur juif en découd avec l'armée et montre que la vérité en art est tissée de mensonge.
publié le 3 juillet 2003 à 23h39

Vous n'avez jamais dissocié le politique de votre oeuvre, cette conscience politique vous vient-elle de vos parents ?

Je suis d'une famille de tailleurs juifs de Londres. Mon père travaillait jusqu'à douze heures par jour, et était bien trop occupé à subvenir aux besoins de sa famille pour se consacrer à la politique. Mais, de fait, je suis né à une époque très politique, entre les deux guerres, et j'avais vingt ans en pleine guerre froide. Paradoxalement, la fin des années quarante, en Angleterre, a vu le retour des fascistes qui avaient été emprisonnés pendant la guerre. Le gouvernement, bien que travailliste, croyait à toutes sortes de notions libérales comme la liberté d'expression, de réunion, et fermait les yeux sur cette propagande raciste. Des groupes d'extrémistes s'attaquaient aux personnes âgées dans les quartiers juifs. On était toute une bande de copains à nous bagarrer avec eux.

Votre position antiguerre ne date pas d'hier, vous avez été objecteur de conscience.

C'était en 1948, le service militaire était obligatoire et le refus de le faire était passible d'emprisonnement. J'avais décidé de ne pas faire l'armée, mes parents en étaient mortifiés, parce que, d'une part, c'était une honte pour un descendant d'immigrés de ne pas servir le pays qui avait accueilli ses ancêtres, et d'autre part, parce que, dans une bonne famille juive, aller en prison, ça fait tout de même désordre. Mais je n'ai pas obtempéré, et mon père a dû débourser, par deux fois, pour les procès e