Dans l'imaginaire occidental, et plus particulièrement français, l'Inde évoque soit le lieu par excellence de l'expérience mystique personnelle, soit le royaume de la misère. Enfermées dans ces représentations exotiques, les Indiennes sont dépeintes comme des «êtres dénuées de volonté propre ou de possibilité d'action».
L'histoire des féminismes indiens retracée ici et jusqu'alors inconnue du grand public, voire des chercheurs, pourfend ce stéréotype en étudiant les premières associations de femmes, apparues au début du XXe siècle. D'emblée, l'ouvrage montre la configuration complexe dans laquelle elles s'inscrivent. Récupérées dans le «récit patriotique de la culture nationale», arme aux mains du nationalisme anticolonial des années 30 et 40, les féministes indiennes durent se détacher des modèles occidentaux d'émancipation.ÊLeur participation très active aux luttes pour l'indépendance est à la mesure de leur espoir en une politique égalitaire à venir. De fait, la Constitution promulguée après l'indépendance acquise en 1947 reconnaît l'égalité des sexes ; l'entrée de l'Inde en 1953 dans le camp des Etats-providence berce les femmes d'espoir de justice. Le développement économique qui permet leur arrivée sur le marché du travail achève d'assagir les féministes : elles optent pour l'approbation tacite. Mais ces «années de silence» achoppent sur la réalité de la décennie 70 : la cherté de la vie, la présence massive des femmes dans l'économie informelle aux salaires inférieurs,