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Libération
Critique

Fournier au fourneau.

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Les Carnets inédits d'un des piliers de «Charlie-Hebdo», fondateur du premier magazine écolo, mort à 35 ans en 1973.
publié le 3 juillet 2003 à 23h39

Pierre Fournier n'avait pas de prénom, on disait Fournier. On lisait Fournier, on croyait Fournier, on suivait Fournier lorsqu'il nous proposait d'aller à pied à Lyon ou ailleurs, protester contre le nucléaire, on avait trente ans de moins et de solides godasses. Il signait ses dessins comme ça, Fournier, sans prénom. Lui, le taiseux, qui ne s'exprimait que par écrit, avait fini par devenir porte-parole de tout un mouvement, disons écolo, pour simplifier, avait fini par créer un mensuel la Gueule ouverte, dans l'ombre de Charlie-Hebdo, pour ne pas crever comme ça, justement, la gueule ouverte.

Et il est mort.

Il avait trente-cinq ans, coeur arrêté le 15 février 1973. Il était marié, trois enfants, son petit dernier croqué en bébé hurlant fit la une du premier numéro de la Gueule ouverte, il dessinait, il dessinait depuis toujours, et toujours, râlant d'en avoir jamais assez le temps, d'un trait naturel, des choses vues, uniquement des choses vues, cadrées à travers ses lunettes de myope, sourire perdu dans sa barbe taillée, il n'avait pas de repentir. Il n'avait pas de gomme. Trente ans plus tard, sa femme Danielle raconte sa vie, leur vie, dans ces Carnets de la fin du monde, publiés par Frédéric Pajak dans sa collection des «Cahiers dessinés», avec plus de deux cents dessins inédits.

Fournier est né en 1937 dans la vallée de la Maurienne, en Savoie, de parents instituteurs perchés à près de 2 000 mètres d'altitude, là où l'hiver dure une bonne moitié de l'année. Les Fournier