L'Europe préindustrielle est une société du voyage. Loin de l'image canonique d'une Europe immobile, le livre de Daniel Roche présente un monde animé d'une extraordinaire capacité de mouvement. L'extrême lenteur des transports, au moins jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, et la dimension encore très périlleuse de nombreux déplacements ne freinent pas une mobilité qui agite tout le corps social. Ce qui ne va pas sans difficultés, car, «dans la société ancienne, nul n'est reconnu sans l'aveu des autres et une localisation admise plus que contrôlée». Se déplacer, c'est toujours transgresser quelque limite sociale ou culturelle. Daniel Roche n'est pas le premier, loin s'en faut, à s'intéresser aux voyageurs, mais son originalité est de n'exclure aucun type de mobilité, des voyages au long cours jusqu'aux déplacements les plus infimes qui expriment eux aussi, à leur manière, la singularité d'un rapport à l'espace. Rien n'échappe à cette rigoureuse et plus qu'abondante radiographie : les pèlerinages mais aussi les mobilités liées aux guerres, les missionnaires mais aussi les migrations des séfarades ou des huguenots, les émigrés de 1789 mais aussi les pérégrinations étudiantes ou celles des gens de théâtre, les voyages des grands ou des philosophes (voir les belles pages que l'auteur consacre à ceux de Voltaire et de Rousseau), mais aussi les déplacements souvent difficiles du peuple. Cela ne suffit pourtant pas à l'appétit boulimique de l'auteur qui s'intéresse également à la matér
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Se faire voir ailleurs
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publié le 10 juillet 2003 à 23h47
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