Il y a quelques années, on pouvait croire l'Afrique subsaharienne sur le chemin de la décolonisation. Des esprits chagrins avaient eu beau clamer dès le lendemain des indépendances qu'elle était «mal partie», on voulait les ignorer. Une telle hâte était qualifiée d'injuste, d'indécente. N'avait-il pas fallu des siècles à l'Europe pour arriver à l'équilibre et à la cohésion ? Une fois terminée sa crise de croissance, l'Afrique finirait bien par être souveraine. Les Blancs, grands et petits, sous peine d'être tous mangés, s'étaient déjà prudemment retirés des centres de pouvoir et de domination qu'ils contrôlaient. Si, ça et là, certains d'entre eux demeuraient aux commandes, ce n'était, on voulait en être sûr, que pour un temps. Et puis, ils n'hésitaient pas, feignant l'humilité, voire l'obséquiosité, à se cacher derrière des Africains. Finies l'arrogance et la morgue. Chez les anciens colonisateurs, le désir d'aider, de conseiller semblait avoir remplacé celui de commander.
A défaut de l'économie, toujours bonne dernière, la sémantique connaissait une véritable révolution. On ne parlait plus de «pays arriérés», mais de «pays en voie de développement». On ne connaissait plus les «peuplades», mais les «ethnies». Les mots «atavisme», «tribalisme», «indigène»devenaient obsolètes et injurieux. On osait accoler l'adjectif «africain» au mot «culture», au mot «civilisation» comme si Frobenius avait fait à tous la leçon. Bref, on pouvait s'imaginer que la fameuse barrière entre «barba