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Libération
Critique

Cream et châtiment

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Raison et orgueil, traversée des vagues. Hommage au roman anglais par Ian McEwan.
publié le 28 août 2003 à 0h44

Une famille, un décor, une époque. Un de ces romans anglais où le sentiment de l'immuabilité émane de la lumière et du paysage. Expiation commence en 1935, lors d'un été de canicule qui fait dire à un protagoniste au bord de tomber la veste : «Deux jours de soleil et nous devenons Italiens.» La maison est en briques, le jardin tout en surprises, parsemé de vestiges d'une splendeur plus ancienne, plus sûre ­ une fontaine, une île, un petit temple. La fortune des Tallis est due à un grand-père quincaillier qui déposa des brevets. On étouffe dans la salle à manger dont les fenêtres n'ouvrent pas, mais on s'ébat à loisir du côté des plans d'eau.

Ian McEwan choisit quarante-huit heures dans la vie des Tallis, au terme de quoi une enfant déraille. Briony, 13 ans, écrivain, prépare une pièce de théâtre pour la venue de son frère aîné. Puis elle renonce, dérangée par les cousins du Nord, deux pirates et une Lolita redoutable, échoués là pour cause de mésentente parentale. Ailleurs, dans une autre sphère, deux amoureux vivent leurs premières et dernières heures de bonheur. Leitmotiv de la grande soeur de Briony, Cecilia : l'aventure ­ un jour elle va partir d'ici. Thème de Robbie, fils génial de la femme de ménage : la liberté. Acte manqué réussi, Robbie se trompe de lettre, confie à Briony, qui doit la remettre à Cecilia, la missive qui contient ce post-scriptum impensable : «Dans mes rêves, je te baise le con, ton tendre con mouillé. En esprit, je te fais l'amour à longueur de journ