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Libération
Critique

La femme sans tête

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La très douloureuse et sanglante accession de la femme au statut de sujet, au travers des archives judiciaires du temps de la reine Margot.
publié le 11 septembre 2003 à 0h57

Les archives judiciaires n'ont pas très bonne presse chez les historiens. Peut-être parce que les plus violents des faits divers, de naguère comme d'aujourd'hui, nous rassurent par leur horreur même, en nous plaçant du bon côté de l'humanité face à la bestialité des individus qui la menacent. Or, l'historien est par métier porté à rechercher le sens général d'une époque et d'une société et peut avoir du mal à admettre qu'une partie de cette vérité soit scellée dans une vie en son temps réprouvée. C'est n'est pas la position de Robert Muchembled et il le montre magistralement dans Passion de femmes à l'époque de la reine Margot. 1553-1615. La «passion» en question est à entendre au double sens du mot, le calvaire qu'ont dû endurer les femmes pour peu que leurs sentiments aient débordé la morale et/ou la loi ­ cette paire inséparable dont jugent les tribunaux dans la société d'Ancien Régime (et même après). L'époque est donc celle de Marguerite de Valois, répudiée par Henri IV pour ne pas avoir donné un dauphin au roi et avoir ainsi failli au premier devoir de la femme, reine ou pas : enfanter. Ce sont les temps violents des guerres de Religion, de la formation concomitante de l'Etat absolu et du sujet individuel. Margot a promu et subi à la fois ce double mouvement : belle, intelligente, adultère, comploteuse, première Française à avoir écrit son auto biographie, mais aussi reléguée et humiliée une bonne partie de sa vie, elle n'aurait sans doute pas échappé à la potence si e