Montfroc envoyé spécial
André Bucher bine puis écrit ; dans l'ordre, c'est sa vie. Ce matin, le paysan écrivain a dû sortir en vitesse du champ les potimarrons que les sangliers, fin gourmets, avaient attaqués, lui en bouffant 300 à 400 kg. Le potimarron d'André est bio, c'est une cucurbitacée qui ne s'épluche pas, l'écriture de Bucher si, elle s'ajuste près de l'os, «pas de fioriture, chaque phrase doit porter, je ne vais pas t'en tartiner dix pages». Il tape le soir, quand les champs sont dans le noir, de 22 h à 1 h, sur une Olympia Junior, couleur potimarron. Bucher n'écrit pas l'été, «je me l'interdis, j'ai du boulot, je ne peux pas lâcher». Il est «paysan d'abord», l'ail, l'oignon, «ça vient bien». Douze heures de travail agricole par jour à plus de 1 000 m d'altitude, puis l'écriture, «l'hiver, tu as la rage», les mots à triturer, qu'il a notés la journée sur un carton de semence. «Il se passe des choses dans la tête quand on a 120 m à désherber à la main».
Aujourd'hui, Bucher publie le Pays qui vient de loin. Il y raconte le grand-père, «Samuel Lorrain, libre penseur», qui vient de mourir, le petit-fils qui revient au pays et retrouve son père, qu'il n'a pas connu. Au fil d'une coupe à finir dans les bois, fils et père se découvrent et se fabriquent «une enfance à la carte», «une belle imposture». Il y est question d'une littérature paysanne à inventer, de sandwiches au lard et d'arrimage de rondins, des douceurs prodiguées par Maryse dans son Trafic, des étés à courir