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Libération
Critique

Répéta-t-il, pensif.

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Fictions, poèmes, romans: promenade dans les bois narratifs avec Umberto Eco.
publié le 11 septembre 2003 à 0h57

Si la table est de bois, et l'enclume de fer, l'homme lui, est fait de mots, dit-on. D'Umberto Eco, on devrait plutôt dire qu'il est fait de textes, qu'il est à lui tout seul un monde intertextuel. Pour lui aussi, il est des embouteillages ou des orages, des trains qui ont du retard, des papiers d'identité qu'on perd, des anniversaires à souhaiter, des queues à faire au guichet, des importuns à éconduire, des mauvaises grippes à éviter, il doit lui aussi être triste ou gai sans savoir pourquoi, tourmenté ou impatient, il doit lui aussi se prendre les pieds dans la trame des événements sociaux ou politiques ­ mais il n'est pas sûr que cela lui apparaisse comme un monde plus réel, lourd, essentiel, que celui que trament les fictions, les poèmes ou les romans. Sans doute ne dirait-il pas, comme Sartre, que les vrais insectes sont dans les livres, mais il ne se départirait jamais de l'idée qu'une promenade dans les «bois narratifs» est aussi vivifiante (ou harassante, ou ennuyeuse...) qu'une promenade dans la forêt de Fontainebleau, et qu'une proposition scientifique, censée traduire la «réalité», a beaucoup moins de chances d'être vraie ­ les progrès mêmes de la science faisant qu'elle sera fatalement réfutée un jour ­ qu'une proposition «littéraire», irréfutable (Sherlock Holmes était célibataire, Anna Karenine se tue, le nez de Pinocchio croît lorsqu'il ment...). Essayez, ajouterait-il, de raconter à des enfants que la fable se termine au moment où le Chaperon Rouge est dévor