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Libération
Critique

Casse-tête finnois

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Rencontre à Helsinki avec Arto Paasilinna, l'auteur du «Lièvre de Vatanen», qui publie avec un optimisme imperturbable un roman sur le suicide collectif.
publié le 18 septembre 2003 à 1h02

Helsinki envoyé spécial

Malgré une paternité revendiquée, un air de famille indiscutable et l'exercice incontesté du droit d'auteur, Arto Paasilinna ne ressemble pas à ses livres et réciproquement. Les romans sont drôles, légers, iconoclastes, picaresques, rabelaisiens et marcelaimés, déconcertants et jubilatoires, aussi torchés que leurs personnages, en un mot, ils sont finnois. Ils sont traduits en trente-six langues. Arto Paasilinna est bourru, taciturne, las et professionnel, costaud, en un mot, il est finlandais et ne parle que le finnois. Le finnois est une langue étrange, le Finlandais est un homme étranger, ni russe ni scandinave, neutre à force de perdre des guerres et des territoires, il travaille la semaine et boit le dimanche, il danse le tango qu'il prend pour son hymne national, il fabrique des téléphones portables et les jette le plus loin possible lors de joutes populaires et désabusées, il a peur d'avoir froid et s'étuve au sauna (le seul mot de sa langue qu'il a su exporter), il a peur d'avoir chaud et se jette aussitôt dans la mer glacée. Il n'a peur de rien, surtout pas du travail, ni des ours, ni des rennes, il tutoie le Père Noël. Il se croit à mi-chemin entre New York et Saint-Pétersbourg que l'on voit de sa fenêtre. Soleil de minuit, nuit de midi, le Finlandais a l'euro et le sisu (prononcez sissou, comme dans trois francs six sous). Le Finnois est celui qui parle le finnois, le Finlandais est citoyen de la Finlande, il peut parler le suédois (6 % des