Menu
Libération
Critique

La soeur de tous les vices

Article réservé aux abonnés
Une histoire toxique de famille, aux allures de tragédie grecque, dans un Tyrol idyllique.
publié le 18 septembre 2003 à 1h02

C'est d'abord le récit d'une enfance idyllique dans les paysages grandioses du Tyrol autrichien. «Les prairies sont en fleurs. Marguerites aussi hautes que moi, digitales pourpres, campanules, aconits.» Pour le pique-nique, on a du rôti de viande hachée avec le joli rond de l'oeuf dur au centre, de la fouace aux quetsches et de l'infusion de menthe, les deux soeurs ont des nattes en couronne et des robes fabuleuses envoyées par les cousines du Chili. Elles jouent avec le petit chat, passent leurs vacances en Italie, le soir, le père lit Nils Holgerson et, «quand on se rendait utile (...) maman posait sur vous des yeux doux à l'éclat nacré». La vie est aisée, les parents se sont mariés par amour et se dévouent entièrement à leurs filles.

Comment se fait-il alors que la narratrice, femme d'âge mûr dont la vie est un modèle de réussite, s'effondre en larmes au rayon lessives du supermarché et pleure pendant des semaines ? Comment se fait-il que sa soeur aînée, petite fille lumineuse, choyée, égocentrique, soit devenue cette loque obèse, folle, étouffée par son propre malheur ? Dans un court roman d'une intensité extraordinaire, Keto von Waberer raconte l'histoire de deux soeurs, celle qui lutte et celle qui se noie. La soeur aînée, «ma soeur», est belle, blonde, asthmatique et couvée par la mère, la vie de la famille tourne autour de sa maladie. Elle est cruelle aussi, la cadette qui l'admire et la jalouse, n'ose rien dire quand elle tue son chat, et peut-être son chien. La cade