Il est des expressions simples dont le sens, à bien y réfléchir, se révèle abyssal. Que signifient par exemple les locutions «malgré tout» et «en dépit de tout» ? Que l'on peut, nonobstant mille obstacles, aller quand même au gré de ses désirs, que contre vents et marées l'on parvient à bon port, que de ce qui afflige on fait force et vertu ? Et quel est ce «tout» qui laisse hors de lui quelque chose qui lui résiste ou le vainc ? Comment peut-on «agir envers et contre tout» (ou tous), si le «tout» inclut ce qui empêche d'agir, mort, destruction, anéantissement ? A l'instar des dieux, dont rien n'empêche jamais qu'ils aient pouvoir sur tout, les hommes peuvent-ils aussi réaliser des miracles, et être capables, seraient-ils accablés des plus raisonnables raisons de désespérer, de trouver malgré tout des raisons déraisonnables d'espérer ? Comment se fait-il en effet que l'espoir, vidé de sa substance, piétiné, meurtri, annihilé, trouve la force de renaître, que, «même dégrisée de ses enthousiasmes», «l'imagination du meilleur» ne reste jamais tout à fait «prisonnière de l'expérience du pire» ?
Ces questions se lèvent en essaim dès qu'on ouvre l'imposant ouvrage de Pierre Bouretz, Témoins du futur, qui les envisage cependant dans une optique bien plus savante, sur fond historique et sous une forme rigoureusement philosophique. Le sous-titre, Philosophie et messianisme, en dit l'objet, simple, par les domaines auxquels il ouvre, et problématique quant à la conjonction qu'il établi