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Libération
Critique

Salvador délits

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Tableau apocalyptique d'un pays où règnent le cynisme et la corruption.
publié le 18 septembre 2003 à 1h02

La critique latino-américaine en a fait le Rushdie salvadorien. Horacio Castellanos Moya vaudrait pourtant le détour sans avoir été vomi par les médias locaux, accusé d'être un agent de la CIA, menacé de mort et contraint à l'exil vers le Mexique. Grand voyageur, journaliste, auteur d'une dizaine de romans, d'essais, de poèmes, Castellanos, la quarantaine passée, vient tout juste d'obtenir la consécration avec le Dégoût. Ce pamphlet crépusculaire de la société salvadorienne contemporaine (écrit en 1997) en a fait l'un des écrivains les plus lus dans son pays. Non sans raison : le Dégoût, roman coup de poing qui envoie au tapis une nation tout entière, semble fonder sa violence sur quelque vérité.

Le narrateur, Vega, rentre de vingt ans d'exil au Canada pour assister aux obsèques de sa mère et vendre la demeure familiale de San Salvador. Retrouvant l'un de ses amis de lycée dans une brasserie de la ville, il crache, en 100 pages de monologue, un fiel qui recouvrira peu à peu toutes les strates de son pays. Le ton est donné dès le premier verre de «cochonnerie» : «Le pire c'est qu'ils sont capables de te tuer si tu refuses de dire que cette émanation putride, leur crasseuse et diarrhéique bière est la meilleure du monde.»

Intellectuel raffiné, maladif, acariâtre, le personnage de Vega est inspiré de Thomas Bernhard. Sa logorrhée, drôle comme le sont certaines méchancetés bien dites, dresse le tableau apocalyptique d'un pays converti en arrière-cour des Etats-Unis, en caricature