Il se pourrait que le récit de Dalila Kerchouche soit un tournant dans le regard qu'on porte sur l'imaginaire harki. Le harki a été rejeté des deux côtés de la Méditerranée. En Algérie, on refuse encore de pleurer la misère endurée par les supplétifs et leurs familles depuis l'indépendance. En France, on n'a jamais voulu avouer le rejet de cette paysannerie d'une autre culture, d'un autre temps, qui s'est retrouvée sur nos terres. Dalila Kerchouche, 30 ans, est journaliste à l'Express. Bien des Maghrébins de France seraient fiers de voir leur signature dans le magazine de feue Françoise Giroud. Mais son livre pourrait jeter un trouble chez ceux qui l'ont crue originaire d'une cité de banlieue. Ce témoignage est à contre-courant de toute la littérature qualifiée de «beur», qui, ces vingt dernières années, a voulu magnifier le père et la mère immigrés. Chez Dalila Kerchouche, nulle image d'Epinal du pays d'origine, pas de concession sur la terre d'accueil. La réalité est racontée crûment, à commencer par celle du père, dont la photographie qui illustre ce livre est à elle seule un roman. Comme un grand nombre de harkis, avec sa petite moustache datant du siècle dernier, le père Kerchouche semble suspendu dans le temps. Comme si, quarante années après avoir été mis dans le lot des traîtres algériens, il n'avait pas voulu changer de visage. La seule raison de vivre algérien qui lui restait.
La fille du harki commence son récit à l'arrivée sur le sol français, la dramatique erranc