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Libération
Critique

Consignes de sécurité

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Erosion du travail et crise des protections sociales vont de pair dans une société individualiste, réclamant pourtant davantage de sécurité. Le sociologue Robert Castel pose la question de «l'Insécurité sociale». Rencontre.
publié le 2 octobre 2003 à 1h13

Le livre est mince, le sujet brûlant, la collection polémique (1) et l'auteur a du crédit : assurément l'Insécurité sociale. Qu'est-ce qu'être protégé ? de Robert Castel ne devrait pas passer inaperçu. Il veut y éclaircir un paradoxe : plus il y a de sécurité, plus on en redemande sur le plan civil, alors que, sur le plan social, on laisse s'effriter des pans entiers de protections collectives. Ces deux ordres de sécurité ne sont pourtant pas opposés mais doivent aller de concert. Le sociologue en fait la démonstration en retraçant le processus par lequel l'Etat moderne s'est constitué d'abord comme un formidable réducteur de risques civils et, dans un second temps, à partir du XIXe siècle, comme un réducteur de risques sociaux ­ avec la mise en place des droits et des protections du même nom. Aussi a-t-on pu juguler l'insécurité sociale en inscrivant les individus dans des collectifs protecteurs et en dégageant leur horizon au-delà de la survie quotidienne. «Cette capacité de maîtriser l'avenir me paraît essentielle,écrit Castel, dans une perspective de lutte contre l'insécurité sociale. Elle fonctionne tant que le développement de la société salariale paraît s'inscrire dans une trajectoire ascendante qui maximise le stock des ressources communes et renforce le rôle de l'Etat comme régulateur de ces transformations.» Ces deux systèmes de protection ont commencé à diverger sérieusement il y a un quart de siècle, au sein de ce que Castel appelle l'«Etat national social». A pr