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Libération
Critique

Tattoo pour plaire

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L'errance échevelée, dans une Amérique blafarde, d'un monstre de foire et d'une jeune fille tatouée.
publié le 2 octobre 2003 à 1h13

Au petit jeu imbécile mais toujours gratifiant des références sera convoquée au chevet du deuxième roman de Brooke Stevens, Tattoo Girl, une séduisante déclinaison : Flannery O'Connor pour l'évocation de ces branquignols de prédicateurs et autres bonimenteurs qui postillonnent nuit et jour sur les chaînes de télévisions ; le David Lynch d'Elephant Man et de Blue Velvet; et enfin, question atmosphère, la poésie de la Nuit du chasseur.

Autant dire que Tattoo Girl n'a rien d'un roman désaltérant. Ce serait plutôt un breuvage sombre, pour vous étourdir et vous plonger au coeur d'un monde interlope. Avec sa panoplie de personnages sortis tout droit d'un tableau de Jérôme Bosch, qui oscillent entre le grotesque et le monstrueux, l'aspiration à la pureté et la soif jamais étanchée du mal, la bassesse immuable de l'homme et sa tentative de s'échapper de son dédale intérieur où son âme fissurée se lamente.

Un roman religieux, réminiscence d'une de ces chansons moites de Nick Cave, composé par un écrivain dont le parcours atypique laisserait jaloux n'importe lequel de ses confrères : valet d'écurie dans le cirque Barnum, barman à La Nouvelle-Orléans, pêcheur de crevettes, programmateur dans un cinéma new-yorkais...

Tatouée des pieds au cou, Emma a été dépossédée de son corps, de sa voix, de son identité : «Physiquement, je suis différente. En montrant leur peau, ils n'exposent pas ce qu'ils sont, ils exposent simplement qu'ils sont pareils, tandis que moi, si je m'exposais, je révélerais