La philosophie tire tantôt malice tantôt fierté de ce qu'elle peut exhiber les rapports privilégiés, gravés dans son nom, qu'elle entretient avec l'amour. De toutes les disciplines, elle est la seule, se dit-elle, à être mue par l'amour, à ne pas vouloir posséder «sophie», la sagesse, mais à la quérir éperdument, l'aimer (philein), la désirer sans cesse. Elle est même, se répète-t-elle depuis Platon, l'amour en personne, et l'amour, parce que sans abri et sans résidence fixe, aoïkos, l'amour chemineau qui va à l'aventure et n'arrête pas d'aimer davantage, l'Eros, fils de Richesse et d'Indigence, qui «a» et «n'a pas», et est donc pur désir, cet amour-là est philosophe. Des vices et vertus de l'amour la philosophie parle dès lors sans ambages, et rien ne lui est étranger des heurs et malheurs auxquels conduit la passion, ni des combats que se livrent dans l'âme désir du plaisir et désir du vrai, ni de la dynamique des corps agités par les instincts et les pulsions, les appétits ou les affections. Mais il est une chose dont elle ne parle (presque) jamais, une chose dont pourtant tout le monde parle, cette chose dont on finit par parler même quand on parle d'autre chose, «ça», le sexe.
Il est vrai qu'on ne pense pas tout de suite trouver du sexe quand on se met à lire Platon, Plotin, Malebranche, Kant ou Husserl, comme s'il allait de soi que «cette sorte d'obsession universelle» ne pouvait guère rester accrochée aux «parois abruptes du discours philosophique». Il est vrai aussi q