Le livre s'ouvre sur l'enterrement du père, Gaston, le 6 juin 1945, et se clôt sur celui de la mère, Jeanne, le 12 mai 1992, au cimetière d'Arcueil, commune des Winock, siège du Cours des Halles, l'épicerie-fruiterie que Jeanne tient depuis 1925. Michel, le narrateur, y est né en 1937, bon dernier d'une fratrie de six (trois garçons, trois filles), dont l'aîné, Marcel, a inauguré le caveau familial, à l'automne 1944, à vingt-trois ans. «La mort était chez nous comme chez elle», écrit l'auteur. «Elle rassemble» : les gens, les souvenirs qui, l'âge venant, transforment la fierté, teintée de vagues remords, d'avoir échappé à la condition semi-prolétarienne, en questions lancinantes.
Historien reconnu, Michel Winock a souhaité connaître et raconter l'histoire d'une famille dont il se sent débiteur et dépositaire. Les souvenirs d'une enfance douce-amère, dont la guerre a accru les rudesses et les tensions, sans abolir les plaisirs, plus savourés d'être dérobés, s'appuient sur une captivante enquête qui éclaire les mutations sociales des milieux ruraux populaires auxquels appartiennent les Winock et les Dussaule. Les Winock émergent des marais flamands dès le XVIe siècle, «jardiniers» de la région de Saint-Omer. Famille catholique, prolifique, en dépit des coupes claires de la mortalité infantile, endogame et stable.
Gaston est le premier à migrer, à cause de la guerre (la Première). Au Bourget, il rencontre Jeanne Dussaule, «une vraie villageoise», fille de paysans briards besogneu