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Libération
Portrait

Pendre le voile

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Chahdortt Djavann, 35 ans, écrivaine d'origine iranienne. Révoltée depuis toujours, virulente contre le voile, elle demande son interdiction pour les mineures.
publié le 13 octobre 2003 à 1h21
(mis à jour le 13 octobre 2003 à 1h21)

Parfois elle cherche un mot en français, s'affole, puis lance ses yeux à la rescousse. Deux lames d'acier noir qui furent longtemps sa seule arme. Chahdortt Djavann a été voilée pendant dix ans, à l'ombre des mollahs iraniens. Nombre, ombre, «prison ambulante», elle a fui, emportée par sa rage de vivre.

Début juillet, elle se promenait au bord de la Seine à Paris. Une famille passe. Un petit garçon joyeux, courant avec son père. Derrière, la mère en tchador, une fillette voilée à chaque bras. Scène de la vie musulmane, intolérable pour celle dont les rêves s'éteignirent en un jour, sous un mètre d'étoffe grise. Deux mois plus tard, elle terminait Bas les voiles !, pamphlet contre le voile islamique, «stigmate, étoile jaune de la condition féminine», et surtout instrument des intégristes. Douze ans après son voyage sans retour, écrivaine publiée deux fois à Paris, presque thésarde en anthropologie, mariée à un ethnologue parisien renommé, elle ignore toujours l'insouciance : «Il faut être idiote pour être optimiste.»

Son livre, quarante six pages enragées, oppressantes, taille en pièces les intellectuels, qu'ils soient musulmans ou héritiers des lumières. Les premiers, «s'ils adorent autant le voile, n'ont qu'à le porter eux-mêmes». Les autres, paternalistes et communautaristes, sont prêts à «paver de bonnes intentions l'enfer des autres». Les femmes qui revendiquent «leur liberté et leur identité par le voile», elle les appelle «des kapos». Et leur dit : «Que dissimulez-vous e