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Libération

La couleur des dimanches matin

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par Véronique OVALDE
publié le 25 octobre 2003 à 1h32

Samedi

Du cri en capitales

Je me suis dit, c'est drôle, ma mère croit encore que Libé est un journal anarchiste. Là d'où je viens on n'achetait pas le journal. Ou alors si, mais seulement quand il fallait, en classe, étudier l'actualité, et, dans ce cas, on choisissait le Figaro, faute d'assumer Minute ; on regardait les infos du «13 heures», avec le son à fond, pour bien que ça vous imprègne, pour bien que ça vous pénètre, pour que ça s'installe définitivement, de bonnes fondations en meulière pour une tête bien faite ­ c'était comme pendant la première mi-temps des matchs de rugby, on ouvrait les fenêtres, on glapissait, on braillait, il fallait que le voisinage participe à son corps défendant, on beuglait deux fois plus que si on avait regardé le match en entier, vu qu'on ne pouvait jamais voir la seconde mi-temps parce que le match basculait sur la troisième chaîne qui ne passait pas. Maintenant les joueurs ont changé de tenue, changé d'allure, ils ressemblent plus à des guerriers qu'à des gentils gars au physique un peu lourd, mais c'est pareil qu'avant, la trois ne fonctionne toujours pas.

L'info, c'était de l'immédiat, du brutal, du cri en capitales, de l'indignation à la petite journée ­ cette juste éructation du témoin dans sa salle à manger au fond du fauteuil skaï rouge qui plisse et grince et couine et colle aux cuisses. A l'époque, l'information était censurée et prédigérée, les sucs digestifs débarquaient dès qu'apparaissait à la