Dire ou ne pas dire, telle est souvent la question, mais, pour Michel Leiris, le problème serait plutôt dire et ne pas dire, à la fois. Né en 1901 et mort en 1990, l'écrivain français, proche des surréalistes et surtout de Raymond Roussel, a d'abord écrit l'Afrique fantôme et l'Age d'homme avant de rédiger, de l'été 1940 à 1966, les quatre volumes de la Règle du jeu aujourd'hui réunis en un seul : Biffures, Fourbis, Fibrilles et Frêle bruit. Toute son oeuvre est autobiographique mais d'une autobiographie dont l'horizon serait plus la poésie que l'autofiction. La fiction, il la traque dans son existence et son écriture tandis qu'il s'attache, par un principe personnel de délicatesse, à ne pas révéler explicitement celles des autres. Le langage y est un élément biographique, et la Règle du jeu s'ouvre sur le mot «...reusement !» dont l'enfant que fut l'écrivain se rend compte un jour qu'il se dit en fait «Heureusement !» «On ne dit pas "reusement", soit, mais c'est précisément pour cela que Leiris écrit : il écrit pour l'écrire», dit Denis Hollier dans sa préface.
Extrait de Frêle bruit : «Qu'est-ce que
les dés qui, secoués par une main vivante, ne prendront figure que posthume ; (...)
le costume sur mesures qu'on doit tailler soi-même, sans tenir compte des modes et sans jamais pouvoir l'essayer devant une glace ;
le vaisseau pavoisé sur lequel vous vous embarquez pour une destination approximativement connue, mais qui vous mène ailleurs que là où vous souhaitiez aller, s'i